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Photo du rédacteurCharline Lancel

L'HOMME IDÉAL

Je reçois un poème de la part d'un homme que j'ai croisé quelques minutes au mois de septembre l'année passée. Il construit des dômes et des cabanes en bois. Il a pris le temps d'expliquer à mon fils comment se servir de ses outils lorsque nous l'avons visité sur son stand de présentation à ce salon en plein air dédié à l'habitat léger. Il me fait découvrir un projet en collaboration avec des artistes et il trouve là le prétexte pour me demander mon numéro de téléphone. Nous nous rendons compte que nous sommes déjà dans nos répertoires respectifs. Il se souvient que je l'avais contacté en 2021 au sujet de son projet de village symbiotique. J'avais annulé notre rendez-vous en dernière minute. Donc nous nous étions déjà parlés mais pas encore rencontrés. Hier, il me fait comprendre clairement qu'il a envie de me revoir. Je lui propose des dates où je n'ai pas mon fils et il me répond qu'il voudrait me voir le soir même. C'est un ami de mon ami, je lui fais confiance et je l'invite chez moi. Je ne peux pas m'empêcher de nourrir l'espoir qu'il m'est envoyé pour me délivrer de l'injustice. Durant la journée, il m'envoie un nouveau texte qui parle du cycle des saisons et je lui envoie en retour un lien vers mon projet Cosmos, qui parle lui aussi du cycle des saisons et de l'éternel recommencement. Nous avons un thème de discussion commun. Il me dit que mes créations artistiques sont magnifiques. Je me réjouis de cette nouvelle rencontre et je commence à cocher des cases de points en sa faveur. En fin de journée, il m'envoie un message pour me dire qu'il hésite à prendre la route à cause du verglas. Il explique qu'il va tenter le risque. Il prend la route malgré tout. Il est à deux heures de distance de chez moi. Me voilà face à un homme qui me plait physiquement et qui correspond en de nombreux points à mes attentes. J'apprécie le côté expéditif, courageux et déterminé, j'apprécie son talent de poète, j'apprécie ses compliments. Notre ami commun habite un lieu mégalithique qui m'inspire beaucoup depuis de nombreuses années et il y développe un projet d'école du dehors. J'ai parlé de ce projet à mon yin spécifique comme étant une destination envisageable et chargée de sens pour y greffer notre projet de couple. Je rappelle que le rêve de mon yin spécifique est de construire sa maison en bois, bien qu'il ne soit nulle part dans l'accomplissement de ce projet. Je commence à juxtaposer cette nouvelle rencontre sur la grille de mon programme intuitif et y faire correspondre cet homme à la place de mon yin spécifique. Comme j'ai imaginé que mon yin spécifique pourrait transmettre son savoir faire de charpentier à mon fils, comme j'ai imaginé sa patience et son intention pédagogique à l'égard des enfants. Comme cet ami commun parlant la même langue maternelle que mon yin spécifique, j'ai imaginé qu'il pourrait trouver en lui un nouvel allié.


Je récapitule : me voilà face à un homme qui construit des maisons en bois pour de vrai, qui partage un instant pédagogique avec mon fils pour de vrai, qui est l'ami de mon ami pour de vrai, qui aime mes créations et s'intéresse à ma part artistique pour de vrai, qui fait preuve de sincérité, d'authenticité, de poésie, d'élan, de fougue, de détermination, de spontanéité, de courage ... pour de vrai.


La rencontre est surprenante. Il s'avère que cet homme habite dans mon petit village natal, là où ont habité mes grands-parents chez qui j'ai vécu de mes 9 à mes 13 ans, là où habite encore mon géniteur, là où a habité mon papa de coeur, là où habite mon frère, ma marraine, ma filleule, ma tante. Il s'avère que cet homme est obsédé par le chiffre 11 et qu'il en a fait son projet de vie en créant son calendrier symbiotique qui divise l'année en 11 mois de trois fois 11 jours. Il s'avère que cet homme est yang tout simplement. Forcément que si cet homme remplit les qualités recherchées, c'est parce qu'il est yang, comme je voudrais que mon yin spécifique soit yang. Si cet homme est comme je voudrais que mon homme soit, c'est bêtement parce que cet homme est yang inné. Il s'avère qu'il a été lui aussi reconnecté à son yin spécifique, très jeune. Il a passé sa vie dans un état de désespoir constant et a échappé plusieurs fois au suicide. Son propre père médecin l'a diagnostiqué de malade bipolaire. Il a fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. Cet homme est un yang spécifique exactement comme moi et il a écouté attentivement tout ce que j'avais à lui transmettre à ce sujet. Il a dit plusieurs fois que ma grille d'analyse et mon filtre d'interprétation lui parlaient et que je lui avais donné des nouvelles clés de compréhension de son être. Il a ri parce qu'il se bat depuis 20 ans contre cette maladie de la bipolarité et moi je lui conseille de transmuter yin pour calmer son désespoir, et devenir ainsi bipolaire. Avec une nouvelle définition du mot, s'ouvrent pour lui de nouvelles perspectives. Il m'explique qu'il est toujours à la recherche d'une femme narcissique comme si ce trait de caractère devait pointer quelque chose à guérir en lui-même. Cela vient vraiment confirmer mon analyse du narcissisme en tant que dysfonctionnement typiquement yin et j'espère que cet homme yang ne fera plus l'erreur de se mettre volontairement en situation d'être rejeté par une femme yin lambda pour s'auto-motiver à transmuter. Cela vient également confirmer ma sensation que les hommes qui font preuves de fougue, de passion, de génie poétique, philosophique et littéraire, sont des hommes yang inné, comme Nietzsche par exemple. Cependant, je ne comprends pas comment cet homme a pu vivre 10 ans en couple avec une femme yang. À sa décharge, il n'a pas vraiment l'embarras du choix vu que le nombre de femme yin est très limité. Il dit qu'il a été piégé par sa femme à deux reprises par deux grossesses inattendues. Il explique que la mère de ses enfants ne le laissait pas la quitter et qu'il se sentait enfermé et castré et que ce qui l'a délivré de cette relation, c'est de trouver la solution financière pour qu'elle puisse rester dans leur maison, à ce moment-là elle a accepté de le lâcher.


En conclusion, si un homme présente les qualités recherchées, c'est parce qu'il est yang inné. En conclusion, la Source n'a pas mis sur mon chemin l'objet de ma délivrance, j'ai honte d'avoir nourri cet espoir que j'assimile à de la résignation. J'avoue qu'il n'y a pas beaucoup de noblesse d'intention de ma part non plus, mais finalement ce n'est pas très noble de la part de la Source de me mettre dans cette situation d'avoir besoin d'utiliser un homme comme médicament/pansement. En conclusion, je me trouve parfaite, aboutie et accomplie, je n'ai aucun progrès à faire pour évoluer d'un point de vue personnel, je n'ai pas besoin de m'améliorer, j'ai juste encore un travail à faire pour accepter l'injustice de mon drame sentimental qui n'inclut visiblement aucune issue envisageable. Je dois avouer que l'espoir de faire transmuter mon yin spécifique s'évapore de jour en jour et que je commence à me mettre dans un état d'acceptation pour admettre que je ne pourrai jamais expérimenter la version de moi-même en couple. Je suis désolée de partager le pessimisme qui m'envahit en ce moment. Tout est perpétuel changement, rien n'est définitif. L'homme yang inné est un homme comme j'aime, mais malheureusement, il n'y a pas la compatibilité énergétique nécessaire et indispensable pour former un couple. Cet homme est aimant, attentionné, charmant mais il ne magnétise pas mes sentiments amoureux, il ne stimule pas chez moi le désir physique et charnel. Je ne sais pas dans quelle mesure cette rencontre est bénéfique pour mon évolution ? J'ai plutôt l'impression qu'elle me désespère.


Il me reste à avouer que j'ai utilisé cette histoire pour dire au revoir à mon yin spécifique, je ne sais pas combien de temps je vais le laisser sur l'idée que j'en enfin pu le remplacer. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, ce n'est pas calculé, j'ai juste profité de cette opportunité pour lui avouer que j'ai été égoïste de ne pas respecter son choix et lui demander pardon de l'avoir tant voulu pour moi. Lui faire comprendre que ce qui ne l'intéresse pas peut intéresser un autre, lui faire comprendre qu'un autre peut profiter de moi à sa place, lui faire comprendre que cela me rend heureuse de pouvoir me sentir évoluer vers une version de moi que je n'ai jamais eu la chance de connaitre. J'ai déjà envie de lui avouer que je me suis leurrée, que je m'excuse d'avoir imaginé qu'il puisse être remplacé. Je sais que je me dis souvent que je ne dois pas lui mettre cette idée en tête car cela pourrait l'encourager à penser que je suis remplaçable. Je me contredis. Disons que j'accepte que je puisse me tromper sur tout, tout le temps, je me pardonne toutes mes incohérences. Il faut bien que je trouve une légitimité à cette rencontre chargée de signes improbables.

Non, l'homme idéal n'est pas yang inné, il est yang acquis.

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